ZARKANZAR: Tunisie: Ben Ali avait ordonné de bombarder la ville de Kasserine

Traduction

R E C H E R C H E

articles et commentaires...

Articles récents

Tunisie: Ben Ali avait ordonné de bombarder la ville de Kasserine



Pendant les troubles qui ont précédé la chute de son régime le 14 janvier dernier, l’ex-président Ben Ali aurait donné des ordres de bombarder la cité Ezzouhour, dans la ville de Kasserine (centre-ouest), pour mâter la révolte populaire. 


«Oui, l’ancien président a donné l’ordre de tirer sur les manifestants dans le quartier Ezzouhour à Kasserine, entre le 7 et le 9 janvier. Son ministre de l’Intérieur et les directeurs de ce ministère sont complices. Il y a eu déjà 4 arrestations parmi les 11 autres personnes recherchées», a déclaré, l’air grave, Me Taoufik Bouderbala, le président de la Commission nationale d’investigation sur les dépassements et les violations (Cidv), lors d’une conférence de presse donnée, mardi à Tunis. «L’intention était claire de faire plier la région et de mettre à genoux ses habitants pour des meurtres collectifs avec préméditation», explique-t-il.
Passant en revue les résultats d’une enquête menée en mars pendant près d’une quinzaine de jours dans les régions les plus affectées par les crimes perpétrés par les agents de Ben Ali, Me Bouderbala, qui était entouré des autres membres de la commission, parle de dizaines de crimes prémédités, de quelques bavures militaires et même d’agressions sexuelles sur des manifestants en détention…
979 dossiers sous la main et ce n’est pas fini«Nous avons rendu visite aux familles des victimes, écouté des parents, des veuves, des orphelins (non mineurs bien sûr). Ils nous ont raconté des horreurs. Le plus jeune de ces martyrs était une fillette de 8 mois et le plus âgé était un homme de 61 ans. La situation dans ces régions, qui a déclenché la révolution et fait fuir Ben Ali et son clan, est toujours alarmante, voire explosive», a lancé Me Bouderbala, président de la Cidv. Selon lui, les citoyens se plaignent aujourd’hui de l’absence des autorités et des journalistes sur les lieux et ils se sentent délaissés et livrés à eux-mêmes.
«Nous comprenons leur colère», dit Me Bouderbala. Il explique: «Nous sommes en train de creuser dans tous les dossiers et nous ne faisons pas un travail superficiel. Nous avons recueilli des infos et parlé avec tout le monde… Nous constituons des dossiers. Ensuite, nous les soumettons à la justice». Cette énumération des étapes de la procédure suivie sonne comme une justification du retard enregistré par les enquêtes.
Selon le président de la Cidv, le bilan est lourd et risque de s’alourdir. Car, il y a encore des personnes qui meurent suite à leurs blessures. Et d’annoncer 13 décès à Sidi Bouzid, d’où est partie l’étincelle à la suite de l’immolation par le feu d’un jeune vendeur ambulant, 23 devant le gouvernorat de Kasserine, 6 à Tala, 1 à Feriana, 1 à Majel Belabbès et 2 à Foussana… «Depuis qu’on a entamé le travail, le 31 janvier, nous avons reçu 979 dossiers: 106 martyrs parmi les 300 ou plus de décès (et non 241 victimes seulement comme l’a annoncé Amnesty International dans son rapport), 672 blessés; ainsi que 201 dossiers concernant les biens saccagés ou incendiés».
Parmi les 16 tireurs d’élite, une femmeInterrogé sur la lenteur dans les jugements, Me Bouderbala a dit que la justice fait ce qu’elle peut. Il y a des efforts, mais vu la complexité de la tâche et le nombre impressionnant des plaintes, il faut marcher sur des œufs pour ne pas commettre des erreurs. «Dans ce cas, nous préférons voir cent inculpés lâchés dans la nature que d’arrêter un innocent et de l’incriminer», explique-il. Argument qui risque de choquer certains parents de victimes qui attendent de connaître l’identité de leurs assassins.
Me Bouderbala, qui rend hommage aux habitants, qui lui ont procuré des documents et facilité ainsi les enquêtes, raconte: «Lorsque les citoyens se sont emparés des postes de police, ils ont eu la présence d’esprit de récupérer des documents utiles afin d’éviter qu’ils soient détruits. Dans ces documents, il y a la tâche de chaque agent, son numéro de téléphone, l’heure et la place de son intervention et, c’est ainsi que nous avons pu constater que les tirs ont été prémédités. L’ordre a été donné pour tirer comme sur des lapins, et je m’excuse pour ce terme. Les agents de police ont même provoqué les citoyens puis, à partir des toits, ils ont tiré sur la poitrine et la tête. Parmi ces tireurs, on a cité le nom d’une femme. Il s’agit bien d’un corps spécial de la Brigade de l’ordre public (Bop). Les citoyens attendent impatiemment leur arrestation. Ces criminels doivent être jugés et non être soustraits à la justice au prétexte qu’ils n’ont fait qu’exécuter des ordres. C’est illégal d’exécuter des ordres pareils et la règle a cours depuis le procès de Nuremberg».
Quartier par quartier et maison par maison«Nous avons enquêté aussi sur quelques bavures militaires. Durant les événements, le pays était sous couvre-feu. Les dossiers relatifs à ces bavures a été confié au ministère de la Défense», a aussi expliqué Me Bouderbala. Selon lui, le traumatisme a touché tout le monde. «Il y a même eu des innocents parmi les agents de l’ordre qui se sont trouvés sur le banc des accusés et les gens leur crachaient dessus», a-il regretté. Sur la liste des accusés, le président de la Cidv n’a pas voulu citer des noms. Il s’est abstenu.Car la loi, c’est la loi.
La situation que vivent actuellement ces régions est écœurante. La pauvreté est moyenâgeuse et il est urgent d’intervenir par tous moyens, estiment les membres de la Cidv.
Interrogé sur le dossier des viols, le conférencier a répondu: «Quatre garçons ont été agressés sexuellement au moment de leur détention par les services de l’ordre». Quant aux viols des filles, les membres de la commission n’excluent pas l’existence de plusieurs cas et souhaitent travailler avec des associations sur le sujet. «Mais dans cette région, les femmes, rien que par pudeur, ont étouffé leur douleur. Une femme de Kasserine est venue exposer son cas à Tunis. Il lui a été dur de décliner son identité pour un tel acte déshonorant et dont elle n’est pas responsable. Mais nous avons la conviction qu’il y a eu des viols de femmes. Avec le temps, les langues vont se délier et nous comptons sur la conscience humaine. Mais, là où il y a urgence, c’est de venir aider la zone si sinistrée, réputée résistante et qui a été toujours honnie par l’ancien régime. Nous vivons un état euphorique pour avoir retrouvé la liberté, mais, nous (société civile, associations caritatives, hommes d’affaires…) n’avons pas à oublier ces gens qui comptent sur nous», a souligné Me Bouderbala.
La semaine prochaine, la commission va se rendre à Tozeur, à Gafsa et à Monastir. Ensuite, elle s’occupera du Grand Tunis. «Nous allons voir les victimes, au Kram, à la Cité Ettadhamen, quartier par quartier et maison par maison, et tous les responsables seront jugés. Aujourd’hui, personne n’est prêt à pardonner».
------------------------------------------------
Par Zohra Abid  
SOURCE: Kapitalis. Le portail d'informations sur la Tunisie et le Maghreb Arabe.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci de poster un commentaire.