Puis, de temps à autre, un petit extra au Lure Fishbar, table de SoHo réputée pour ses langoustes, arrosées pour les grandes occasions de Blueberry Finn (gin aux myrtilles). Aux Jeux olympiques de Pékin, en 2008, les jumeaux Tyler et Cameron Winklevoss, 29 ans, avaient terminé sixièmes de la course d'aviron. Là, ils ont comme objectif un podium pour les Jeux de Londres en 2012. La vie tranquille, en somme.
Et voilà que leur quotidien se trouve bousculé par la sortie du film de David Fincher " The Social Network ". Diffusé dans plus de 2 500 salles aux Etats-Unis, le long-métrage est en tête du box-office américain. L'invitation à des avant-premières (ils étaient le 3 octobre à Paris), des conférences, la rencontre avec le scénariste Aaron Sorkin (" A Few Good Men ", " The West Wing "...) et avec l'équipe qui a joué leur histoire à l'écran (" un travail formidable ")... Puis, passé les bruits et les paillettes, leur est revenue comme un boomerang la réalité : ils ont été floués par Mark Zuckerberg, l'actuel patron de Facebook. Car, six ans auparavant, c'est eux qui avaient eu l'idée de créer le fameux réseau social. La rancoeur travaille à nouveau ces deux géants de 1,96 mètre. Ils réfléchissent, expliquent-ils au Point, à donner une nouvelle suite judiciaire.
Flash-back. En 2002, les jumeaux Winklevoss ont, avec leur camarade de promo Divya Narendra, l'idée d'un site, baptisé d'abord Harvard Connection, puis Harvard Co. Il vise à permettre aux étudiants de se donner facilement des rendez-vous sur un campus qui s'étale sur plus de 2 000 hectares. Problème (déjà) : obnubilés par leur entraînement d'aviron, il leur manque un informaticien, capable de donner vie à cette application. Une formalité dans leur esprit. Narendra présente alors Mark Zuckerberg aux jumeaux. Le jeune Mark est réputé sur le campus pour être un bon programmeur. Ils lui demandent de s'atteler au projet. Tope-là ! Suivent trois mois d'un double jeu. Tout en rassurant ses commanditaires par mail, Zuckerberg potasse sur un projet concurrent - prétextant des réunions familiales pour espacer les rendez-vous avec eux. Il finit par lancer son site après une nuit blanche. Et ce n'est qu'en ouvrant quelques jours plus tard le Harvard Crimson, le quotidien de la fac, que les frères Winklevoss découvrent l'existence d'un site baptisé d'abord Facemash, puis Thefacebook, et finalement Facebook...
La suite, on la connaît. Plusieurs milliers de comptes créés le mois de la mise en ligne, et le site, qui s'est progressivement ouvert aux autres facs, puis au reste du monde, totalise aujourd'hui 600 millions de membres (l'équivalent du troisième Etat de la planète), qui y passent plus de deux heures par jour. Avec 24 % du capital du site, Zuckerberg devient, à 26 ans, le plus jeune milliardaire du monde... devant Steve Jobs, de quarante ans son aîné (selon Forbes). La fraude de Zuckerberg sera explicitement reconnue par les tribunaux - certaines délibérations ont inspiré le film. Les frères Winklevoss ont été indemnisés pour un montant estimé à une soixantaine de millions de dollars. Voici donc nos deux héros devenus millionnaires. Mais le film vient leur rappeler qu'ils devraient être milliardaires !
Comptes à régler. Au vu de l'engouement mondial pour Facebook, ils trouvent la compensation, accordée en 2008, un peu courte. Simple site de potaches au départ, Facebook est devenu un eldorado pour publicitaires. Il est rentable depuis septembre 2009." On a volontairement sous-évalué la valeur de Facebook au moment de la transaction ", explique au téléphone Cameron Winklevoss, le gaucher du duo. Ce qui passe mal, c'est que le site est aujourd'hui valorisé à plus de 10 milliards de dollars. On parvient à cette estimation grâce aux montants versés par des firmes qui ont pris des participations dans Facebook : Microsoft en 2007 et en 2010, le fonds russe Digital Sky Technologies, ou Elevation Partners, la société d'investissement où siège le chanteur de U2, Bono. Alors, s'appuyant sur des mails qu'ils n'ont pas encore transmis à la justice, les jumeaux envisagent une nouvelle confrontation devant les tribunaux. Selon eux, Zuckerberg - il n'a pas souhaité parler au Point- a sciemment caché ces mails. Petits meurtres entre amis, le retour.
L'histoire des Winklevoss, n'est-ce pas, en creux, celle de la jeunesse bien née de la côte Est américaine ? Enfants, les Winklevoss passaient leur été sur la plage privée de Quogue (un des endroits préférés de Michael Fox, l'acteur star de " Retour vers le futur "). Férus de grec ancien, ils brillaient au lycée Brunswick School de Greenwich (Connecticut) dont la devise était " Courage, Honneur et Vérité ". Les deux frères, en se contentant d'un accord verbal de la part de Zuckerberg, se sont fait avoir comme des bleus. A l'époque, c'étaient des aristos nantis. Zuckerberg enviait leur aura quand lui, le palefrenier, se faisait rabrouer par les filles sur le campus. Les jumeaux avaient alors leurs ronds de serviette au Hasty Pudding Club, un cercle fréquenté, dans le passé, par cinq futurs présidents américains dont Franklin Delano Roosevelt, qui était, paraît-il, un habitué des parties de bridge dans la salle secrète sans fenêtre. Péché d'orgueil ? Quand ils donnaient rendez-vous à Zuckerberg au Porcellian Club, un autre club pour happy few, c'était au réfectoire, pour lui rappeler qu'il n'avait pas le droit d'aller plus loin. Ils ne mesuraient sans doute pas la vexation qu'ils lui faisaient endurer.
Très sûrs d'eux, les deux frères tombent de haut, quand, quelques mois après leur mésaventure, ils frappent à la porte de Larry Summers, conseiller économique (sortant) de Barack Obama, alors président de la fac. Ils attendaient du numéro un de Harvard, la fac dont le logo arbore " Veritas " sur fond framboise, qu'il condamne publiquement Zuckerberg et son manquement à l'éthique. Summers leur a ri au nez." Je ne lui ai toujours pas pardonné ", explique Cameron. Les jumeaux confient qu'ils s'étaient alors retenus de ne pas casser son bureau...
Pauvres millionnaires, serait-on tenté de dire aujourd'hui, alors que Zuckerberg se balade, lui, en tout-terrain Lincoln noir et habite une maison à Palo Alto, estimée à près de 8 millions de dollars... Ami de l'acteur Jet Li, l'ex-introverti Zuckerberg donne la réplique au Premier ministre britannique, David Cameron, et intervient maintenant à Davos. Alors que les jumeaux ne revendiquent aucune petite amie officielle, Zuckerberg arpente la Silicon Valley avec, à son bras, Priscilla Chan, une ravissante étudiante native de Boston... On a récemment croisé les deux tourtereaux au Cafe del Sol, une table mexicaine de Menlo Park, la petite ville où ont commencé les aventures de Google. L'article complet sur lepoint.fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci de poster un commentaire.