Les hommes pleurent. De plus en plus. A la télévision ou au cinéma, le plan serré sur leurs yeux humides est presque devenu une scène obligée. Quant aux spectateurs, ils sont de toute évidence moins résistants que leurs aînés à l’effet contagieux des larmes : « L’une des dernières fois que j’ai pleuré, c’est quand je suis allé voir Se souvenir des belles choses (film de Zabou Breitman sorti en 2002) », avoue Rodolphe. Etonnante confession de la part de ce juriste de 31 ans. Son père aurait-il avoué son émotion avec autant de facilité ? « Il n’aurait certainement pas pleuré ! » affirme-t-il encore.
Mais aujourd’hui, pas besoin d’avoir les yeux et le cœur secs pour affirmer sa virilité, constate le psychiatre Patrick Lemoine, auteur du Sexe des larmes. Pourquoi les femmes pleurent plus et mieux que les hommes ?, (Robert Laffont, 2002) : « Depuis une dizaine d’années, la frontière entre les sexes tend à s’estomper et la distinction entre ce qui relève de la féminité et ce qui a à voir avec la masculinité n’est plus si franchement marquée. Bientôt les hommes pleureront sans retenue. »
Un homme, ça ne pleure pas pour un rien
Pourtant, même au cinéma, on ne saurait encore comparer les flots de larmes versés si facilement par les femmes aux regards humides de leurs partenaires. « J’avais les yeux rouges, la gorge nouée », poursuit Rodolphe, mais son amie était « littéralement effondrée ». Rodolphe n’imagine pas une seconde se mettre dans un état pareil, « surtout pour un film ! » précise-t-il. Car, même s’il ose se dire ému, il lui en faut plus pour fondre en larmes. On le lui a assez souvent répété, enfant : « Un homme, ça ne pleure pas pour un rien. » « Le poids culturel est encore lourd et bride toujours les hommes dans l’expression de leurs émotions », explique la psychothérapeute Catherine Aimelet-Périssol, auteur de Comment apprivoiser son crocodile (Robert Laffont, 2002).
Mais aujourd’hui, pas besoin d’avoir les yeux et le cœur secs pour affirmer sa virilité, constate le psychiatre Patrick Lemoine, auteur du Sexe des larmes. Pourquoi les femmes pleurent plus et mieux que les hommes ?, (Robert Laffont, 2002) : « Depuis une dizaine d’années, la frontière entre les sexes tend à s’estomper et la distinction entre ce qui relève de la féminité et ce qui a à voir avec la masculinité n’est plus si franchement marquée. Bientôt les hommes pleureront sans retenue. »
Un homme, ça ne pleure pas pour un rien
Pourtant, même au cinéma, on ne saurait encore comparer les flots de larmes versés si facilement par les femmes aux regards humides de leurs partenaires. « J’avais les yeux rouges, la gorge nouée », poursuit Rodolphe, mais son amie était « littéralement effondrée ». Rodolphe n’imagine pas une seconde se mettre dans un état pareil, « surtout pour un film ! » précise-t-il. Car, même s’il ose se dire ému, il lui en faut plus pour fondre en larmes. On le lui a assez souvent répété, enfant : « Un homme, ça ne pleure pas pour un rien. » « Le poids culturel est encore lourd et bride toujours les hommes dans l’expression de leurs émotions », explique la psychothérapeute Catherine Aimelet-Périssol, auteur de Comment apprivoiser son crocodile (Robert Laffont, 2002).
Alors, plus ou moins consciemment, ils se retiennent. « Quand je me sens prêt à pleurer, ou bien je détourne le regard de ce qui me cause ce chagrin, ou bien je m’agite, je bouge, je trouve quelque chose à faire pour penser à autre chose », confirme Daniel, 43 ans. Ce comportement tient surtout au fait que « traditionnellement, les femmes sont dans l’introspection, dans l’écoute de leurs émotions, et les hommes davantage dans l’action, note Patrick Lemoine. Or, pleurer est à l’opposé de l’action, ne serait-ce que parce que ça demande du temps. »
Un aveu d’impuissance
Pour eux, pleurer, c’est avant tout cesser d’agir, s’avouer vaincu : on pleure en désespoir de cause, quand il n’y a plus rien à faire, quand on a, par définition, « plus que ses yeux pour pleurer ». « Au fond, les larmes sont pour les hommes un aveu d’impuissance, résume Catherine Aimelet-Périssol. D’où leur réticence à s’y laisser aller. » Du plus loin qu’il se souvienne, Jean, 52 ans, ne se rappelle pas avoir jamais pleuré. « J’ai été élevé comme ça. Rien ne peut me bouleverser au point de me faire monter les larmes. » Rien, sinon l’éventualité de la mort ou de la souffrance de ses enfants : « Là, oui, je sais que je serais capable de m’écrouler de chagrin et de verser toutes les larmes que j’ai gardées en moi jusque-là. »
Un aveu d’impuissance
Pour eux, pleurer, c’est avant tout cesser d’agir, s’avouer vaincu : on pleure en désespoir de cause, quand il n’y a plus rien à faire, quand on a, par définition, « plus que ses yeux pour pleurer ». « Au fond, les larmes sont pour les hommes un aveu d’impuissance, résume Catherine Aimelet-Périssol. D’où leur réticence à s’y laisser aller. » Du plus loin qu’il se souvienne, Jean, 52 ans, ne se rappelle pas avoir jamais pleuré. « J’ai été élevé comme ça. Rien ne peut me bouleverser au point de me faire monter les larmes. » Rien, sinon l’éventualité de la mort ou de la souffrance de ses enfants : « Là, oui, je sais que je serais capable de m’écrouler de chagrin et de verser toutes les larmes que j’ai gardées en moi jusque-là. »
La mort, la souffrance d’autrui, la séparation, sont les seuls motifs de pleurs évoqués spontanément par les hommes. Viennent ensuite les larmes de joie. « J’ai pleuré quand mon fils est né, témoigne Romain, 26 ans. J’en ai été le premier surpris, ça m’a pris d’un coup, mais je suis fier de ces larmes car elles étaient exceptionnelles et ont marqué un événement exceptionnel. » Même émotion revendiquée chez Sylvain, 23 ans : « Chez moi, quand la France a gagné le Mondial de foot, en 1998, on a tous éclaté en sanglots. Il n’y avait pas de honte à ça, au contraire, on ne pouvait qu’en être fiers ! » Fiers parce que ces larmes signent la victoire, le couronnement de sportifs qui se sont imposés par l’effort : ce sont des larmes de "mecs", « des larmes patriotiques, donc honorables », ajoute Patrick Lemoine.
Mesure et discrétion
Même dépassés par l’émotion, très rares sont ceux qui s’effondrent aussi violemment que les femmes. Ils pleurent, de manière générale, avec mesure et discrétion. « A la mort de mon père, j’étais effondré mais je n’arrivais pas à pleurer, confie Pierrick, 34 ans. Je m’en voulais, je voyais mes sœurs en larmes et je sentais bien qu’elles me reprochaient ma froideur mais, rien à faire, je n’y arrivais pas. »
Mesure et discrétion
Même dépassés par l’émotion, très rares sont ceux qui s’effondrent aussi violemment que les femmes. Ils pleurent, de manière générale, avec mesure et discrétion. « A la mort de mon père, j’étais effondré mais je n’arrivais pas à pleurer, confie Pierrick, 34 ans. Je m’en voulais, je voyais mes sœurs en larmes et je sentais bien qu’elles me reprochaient ma froideur mais, rien à faire, je n’y arrivais pas. »
Les larmes sont un outil de communication, explique Patrick Lemoine. Elles permettent d’exprimer ce qui est vécu et ressenti en soi. Peu "bavards", surtout lorsqu’il s’agit de leurs émotions, les hommes pleurent donc moins "fort". Alors que les femmes pleurent pour dire quelque chose à l’autre, eux pleurent "pour eux". Pour Catherine Aimelet-Périssol, « un homme qui craque émotionnellement n’a qu’un objectif dans l’urgence : se mettre en boule pour qu’on lui fiche la paix ». Se replier sur soi, revenir à soi, penser à soi, et, au final, trouver un peu plus de paix intérieure.
Du fait de leur rareté, ces larmes ont souvent une fonction thérapeutique plus importante encore que chez les femmes. « Je ne pleure pas souvent et, quand je craque, c’est très vite et d’un coup, avoue Stéphane, 21 ans. Mais après, je me sens vraiment bien ! C’est comme un grand nettoyage ! » Pierrick, au contraire, assure que « pleurer, ça ne sert à rien. D’accord, ça vide, mais pas dans le bon sens du terme. C’est comme si on perdait la “gniaque”. » Après les larmes, il se sent affaibli, "à plat" et, de fait, honteux : une larme, et l’armure se fendille. Car, précise Catherine Aimelet-Périssol, « dans cet instant d’abandon de soi, l’homme se trouve ramené à sa juste dimension d’individu faillible, contraint de faire le deuil de l’image fantasmée de surhomme à laquelle il voulait correspondre ». C’est le moment de vérité, une désillusion qui écorne toujours une certaine image de la virilité.
Cet aveu d’une sensibilité profonde émeut en même temps qu’il peut "insécuriser" certaines femmes. « Un homme qui pleure, cela me dérange vraiment, avoue Elisabeth, 26 ans. Ça brouille mes repères, comme si les rôles s’inversaient. Je ne sais pas comment réagir. » La première fois que Myriam, 48 ans, a vu pleurer son mari, elle a été émue, et rassurée de découvrir chez lui une sensibilité qu’elle ignorait. « Mais ses larmes étaient touchantes parce que rare, ajoute-t-elle. S’il s’était montré dans cet état au début de notre relation, je ne crois pas que cela m’aurait mise en confiance pour l’avenir ! Je ne pourrais pas me sentir en sécurité auprès d’un homme trop émotif. »
Longtemps, les larmes masculines ont coulé à contre-courant de la virilité. Aujourd’hui, elles sont de plus en plus interprétées comme une preuve d’authenticité émotionnelle. Fatigué de serrer les dents pour jouer les héros, l’homme s’accorde le droit d’exprimer ses moments de vulnérabilité. Mais de préférence sans bruit et tout seul.
Témoignage
François, 41 ans, aiguilleur du ciel : « Mon père, invulnérable, savait pleurer… »
Témoignage
François, 41 ans, aiguilleur du ciel : « Mon père, invulnérable, savait pleurer… »
« Je n’oublierai jamais le jour où j’ai vu des larmes dans les yeux de mon père. Je devais avoir 12 ou 13 ans. Ma grand-mère paternelle, une vraie “mamma”, forte et joyeuse à la fois, était hospitalisée. Elle passait ses journées alitée, elle ne pouvait plus marcher. Je ne savais pas pourquoi, personne n’en parlait. Un soir, en revenant de l’hôpital, mon père a dit à ma mère : “Dans une pharmacie, j’ai vu une canne avec une sorte de trépied, nous pourrions en acheter une pour le jour où ma mère se lèvera.” Ma mère l’a regardé droit dans les yeux et lui a répondu sèchement : “Mais enfin, tu sais très bien que ta mère ne se relèvera jamais.” Son ton semblait dire : “Vois la réalité en face, arrête de faire l’enfant.”
D’un seul coup, j’ai vu mon père se courber, se ratatiner, rapetisser comme si, effectivement, il était redevenu enfant. Ses yeux se sont remplis de larmes. Il m’a vu du coin de l’œil et, aussitôt, il a essayé de se redresser, en vain. Il a sorti un mouchoir et s’est caché derrière. J’étais bouleversé par sa tristesse : mon père, que je croyais invulnérable, savait pleurer et pouvait perdre sa mère. Je me suis soudain senti très proche de lui : je compatissais, je comprenais sa douleur. J’étais en colère aussi contre ma mère. Tous ces sentiments s’entrechoquaient dans mon esprit d’enfant, et ils me reviennent encore aujourd’hui comme un souvenir terriblement émouvant. Contrairement à mon père, je n’ai jamais cherché à cacher mes larmes devant mes filles. Parce que je veux qu’elles comprennent ce que je ressens et aussi les aider à assumer leurs émotions. »
Leurs dernières larmes
Jon, 36 ans, enseignant
« Lorsque ma grand-mère est décédée, il y a deux mois. Seule la mort peut me faire pleurer. J’ai du mal à imaginer que l’on puisse pleurer devant un film ou parce que l’on est heureux. »
Leurs dernières larmes
Jon, 36 ans, enseignant
« Lorsque ma grand-mère est décédée, il y a deux mois. Seule la mort peut me faire pleurer. J’ai du mal à imaginer que l’on puisse pleurer devant un film ou parce que l’on est heureux. »
David, 19 ans, étudiant
« La dernière fois que je suis allé voir mon grand-père au cimetière, il y a six mois. Il est mort il y a deux ans, mais à chaque fois que je vais le voir, je pleure. Que je sois seul ou non, je ne peux pas m’en empêcher. »
« La dernière fois que je suis allé voir mon grand-père au cimetière, il y a six mois. Il est mort il y a deux ans, mais à chaque fois que je vais le voir, je pleure. Que je sois seul ou non, je ne peux pas m’en empêcher. »
Claude, 67 ans, retraité
« C’était il y a deux ans, lors de mon dernier voyage à Auschwitz. Devant le mémorial, il y avait des milliers de petites chaussures d’enfants. Je me suis dit que l’on avait tué tous ces petits et les larmes me sont venues. Et elles me reviennent encore en y pensant. »
« C’était il y a deux ans, lors de mon dernier voyage à Auschwitz. Devant le mémorial, il y avait des milliers de petites chaussures d’enfants. Je me suis dit que l’on avait tué tous ces petits et les larmes me sont venues. Et elles me reviennent encore en y pensant. »
Ange, 31 ans, artiste
« Il y a six mois, à la naissance de ma fille. J’étais tellement heureux, bouleversé et fier que les larmes ont coulé, naturellement. »
« Il y a six mois, à la naissance de ma fille. J’étais tellement heureux, bouleversé et fier que les larmes ont coulé, naturellement. »
Pedro, 32 ans, responsable marketing
« Il y a une semaine, devant la série télé “Six Feet Under”, l’histoire d’une famille gérant une entreprise de pompes funèbres. J’ai été ému aux larmes par le chagrin d’un enfant. »
« Il y a une semaine, devant la série télé “Six Feet Under”, l’histoire d’une famille gérant une entreprise de pompes funèbres. J’ai été ému aux larmes par le chagrin d’un enfant. »
Michel, 25 ans, commercial
« Voilà une question sacrément indiscrète ! C’était il y a un an, après une rupture amoureuse. Là, j’ai vraiment pleuré à chaudes larmes… Mais tout seul. »
« Voilà une question sacrément indiscrète ! C’était il y a un an, après une rupture amoureuse. Là, j’ai vraiment pleuré à chaudes larmes… Mais tout seul. »
Philippe, 45 ans, attaché de presse
« La dernière fois, ce devait être au décès de ma mère, il y a plus de douze ans. Depuis, il faut croire que je n’ai eu que des événements heureux, mais pas au point non plus de pleurer de joie. »
« La dernière fois, ce devait être au décès de ma mère, il y a plus de douze ans. Depuis, il faut croire que je n’ai eu que des événements heureux, mais pas au point non plus de pleurer de joie. »
Léo, 8 ans, écolier
« Hier, j’étais malade et ça m’a embêté. Alors j’ai pleuré. »
« Hier, j’étais malade et ça m’a embêté. Alors j’ai pleuré. »
Henrich, 24 ans, étudiant
« L’an dernier, quand j’ai appris que j’avais obtenu mon diplôme de droit. La fatigue, plus le stress, plus la joie : tout cela a fait que j’ai craqué. »
« L’an dernier, quand j’ai appris que j’avais obtenu mon diplôme de droit. La fatigue, plus le stress, plus la joie : tout cela a fait que j’ai craqué. »
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SOURCE: www.psychologies.com
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