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La vraie philantropie, c'est de payer des impôts

Le succès rencontré par la croisade philanthropique de Bill Gates et Warren Buffett, de passage cette semaine en Chine, a de quoi réchauffer le cœur. Un certain nombre de riches Chinois ont apparemment promis «des dons très généreux» en réponse à l’initiative Gates-Buffett visant à inciter des milliardaires du monde entier à faire don d’au moins la moitié de leur fortune à des causes philanthropiques. En se basant sur les engagements qu’ils ont déjà obtenus, on estime que la démarche des deux hommes les plus riches des États-Unis pourrait déboucher sur des dons d’une valeur de 150 milliards de dollars destinés à de bonnes causes.

Le revers de la médaille

Impossible de trouver à redire à de telles tentatives de redistribution volontaire des richesses, des rares personnes qui en détiennent la plus grande partie au si grand nombre qui en détient si peu. Après tout, la racine du mot philanthropie signifie l’amour de l’homme ou de l’humanité, et il est indéniable que nous n’en aurons jamais trop dans un monde où de tels sentiments sont distribués au compte-goutte et où ils se font aussi rares que les grandes fortunes personnelles [en réalité la racine de philanthropie vient de philos, ami et anthropôs, homme, ndt].
Pourtant, malgré tout le dynamisme derrière la tendance philanthropique moderne de l’initiative mondiale Gates-Buffet-Clinton, il est important de ne pas passer à côté des travers de ce genre de démarches. Laisser les riches prendre les décisions concernant la manière dont les richesses sont distribuées pour régler les problèmes du monde est aussi injuste que de leur accorder une voix disproportionnée en politique ou de les laisser fixer n’importe quelle autre priorité pour la majorité de la société. Ils n’ont de compte à rendre à personne et viennent avec leurs propres préjugés et leurs lacunes, aussi bien intentionnés qu’ils soient. En outre, si la philanthropie est une addition utile aux efforts du secteur public pour répondre aux besoins de la société, elle peut aussi à l’occasion servir de bouclier ou d’argument préventif, laissant entendre soit qu’il est possible de réduire la portée des programmes gouvernementaux, soit qu’il n’est pas nécessaire de taxer les riches ou de remettre en question les flagrantes inégalités de notre système économique dont ils ont profité.

Repenser la redistribution des richesses

Non, tout en applaudissant les donateurs milliardaires, nous devrions continuer de nous demander comment amender un système qui a permis la création d’un peu plus d’un millier de milliardaires parmi six milliards d’hommes et de femmes, petit groupe dont la valeur nette est égale à celle des 2,5 milliards les plus pauvres de leurs frères humains. Et nous pourrions même inciter les plus généreux de ces milliardaires à aller plus loin et à faire campagne avec le même dynamisme pour des programmes qui permettraient aux gens d’avoir davantage leur mot à dire dans l’utilisation des richesses produites par la société... dans les programmes comme les impôts sur le revenu, par exemple.
En fait, ce serait là l’initiative la plus révolutionnaire et la plus touchante de cette période électorale... Un mouvement de riches dédié à un réajustement du code des impôts, qui nous permettrait de cesser d’emprunter à nos enfants pour financer un système qui enrichit un si petit nombre d’entre nous. Ça, ce serait de la vraie philanthropie… De riches Américains prônant l’abandon des réductions d’impôts de Bush pour assurer aux générations futures la perspective d’une vie correcte, plutôt que de les condamner à peiner pour payer les excès de leurs parents et de leurs grands-parents.
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David Rothkopf
Traduit par Bérengère Viennot
Photo: Warren Buffet et Bill Gates à Washington en 2001. REUTERS/Larry Downing
SOURCE: www.slate.fr

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