Depuis l'élection de Nicolas Sarkozy en 2007, la vidéosurveillance est devenue le principal instrument de lutte contre l'insécurité. Les évaluations scientifiques démontrent
pourtant que, dans les espaces publics, son impact, tant préventif que répressif, est très limité. Il devient même dérisoire si on le rapporte au coût financier pour une collectivité locale. Absence d'évaluations françaises
En 2008, le ministère de l'Intérieur estime à 22 000 le nombre de caméras dans les espaces publics et 1 500 le nombre de communes équipées d'un dispositif de vidéosurveillance. Elles n'étaient que 850 en 2005. Certes, l'objectif fixé en 2007 par le gouvernement de 60 000 caméras est encore loin, mais le rythme d'augmentation est fort.
Les subventions versées par l'Etat dans le cadre du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) y sont pour beaucoup. Pourtant, au-delà d'une série de « petites histoires », on ne dispose pas de preuves de l'efficacité de la vidéosurveillance pour prévenir la délinquance dans les espaces publics.
Est-ce à dire qu'on ne sait rien sur l'efficacité de cet outil ? Non, car il existe à l'étranger de nombreuses études, notamment aux Etats-Unis, en Australie et surtout en Angleterre. On y apprend que l'efficacité de la vidéosurveillance varie selon deux critères.
Le lieu
Espaces ouverts ou fermés comme les parkings ou les hôpitaux… La vidéosurveillance n'a qu'un faible impact dans les espaces étendus et complexes comme les rues.
Les caméras ne dissuadent pas les délinquants dans la mesure où le risque de se faire identifier et interpeller est jugé faible. En revanche, les études convergent pour dire que la vidéosurveillance a une réelle efficacité dissuasive dans des espaces fermés comme les parkings ou les hôpitaux.
Le délit
On constate, dans certaines études, une légère baisse des atteintes aux biens (vols à l'étalage, cambriolages, vols à la roulotte).
Par contre, il n'y a aucun impact sur les violences interpersonnelles (agressions sexuelles, bagarres, rixes, etc.).
Un coût financier…
Le coût initial d'équipement d'un système de vidéosurveillance est estimé à 1,5 million d'euros pour 40 caméras. Si l'Etat prend en charge une partie substantielle de cet investissement, en revanche les coûts de maintenance, de location des réseaux de transmission évalués à 10% par an du budget initial, demeurent à la charge des collectivités locales. Et surtout, elles assument le coût humain.
Des écrans de contrôle que personne ne regarde ne servent pas à grand chose. Il faut donc du personnel. Dans l'hypothèse retenue, pour un système fonctionnant 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, une équipe de 14 personnes est nécessaire, soit un coût de l'ordre de 450 000 euros par an. Il faut aussi du personnel municipal sur le terrain (policiers municipaux, médiateurs) en mesure d'intervenir.
Ceci est fondamental : les études étrangères ont montré que la vidéosurveillance n'avait (qu'un peu) d'effet qu'à la condition d'être couplée avec un dispositif d'intervention d'agents de terrain. Le coût financier est donc extrêmement lourd en réalité. Et ce, dans un contexte de réduction des effectifs de la police nationale et de la gendarmerie, que les communes compensent de plus en plus par l'embauche de policiers municipaux.
… qui « plombe » les budgets
Enfin, il faut rappeler que le budget investi pour si peu de résultats dans la vidéosurveillance est autant d'argent public qui n'est pas affecté à d'autres programmes de prévention et de tranquillité.
Au plan national, la politique de « prévention » de l'Etat est de plus en plus vidée de substance par la vidéosurveillance. Du reste, la circulaire du 5 mars 2010 précise explicitement que l'Etat n'engagera plus aucune action de financement pluriannuelle autre que la vidéosurveillance.
Ses aides restantes seront très ciblées et les collectivités devront se débrouiller avec d'autres partenaires pour financer des actions préventives classiques telles que les mesures de prévention et de lutte contre la toxicomanie, les mesures de sécurité routière, les dispositifs d'accès au droit ou encore les opérations « Ville, vie, vacances ».
Au plan local, lorsque la vidéosurveillance vient « plomber » un budget municipal déjà entamé par le développement de la police municipale, on devine qu'il ne reste plus grand-chose dans les caisses pour recruter des éducateurs, des animateurs socioculturels, des médiateurs, des correspondants de nuit, des surveillants de sortie d'école, et autres types d'emplois de proximité permettant de renforcer un peu le lien social, d'encadrer la jeunesse avec des projets éducatifs et de maintenir le dialogue entre la population et les institutions.
Pour toutes ces raisons -et non, au nom d'une quelconque idéologie-, le développement de la vidéosurveillance apparaît comme une mauvaise nouvelle pour la société française, un gaspillage d'argent public et un renforcement de la « crédulité technologique » chez nos concitoyens inquiets que la vidéosurveillance rassure souvent, mais qu'elle ne protège nullement.
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Photo : caméra de surveillance (Môsieur J./Flickr).
SOURCE: www.rue89.com
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